lundi 29 juin 2009

Incipit.

Le train file. Portishead s'égrène en lambeaux. Instances fugitives. Larmes rêches en décomposition, les vitres teintes brumeuses. Le train file et nous sommes loins, déjà si loins. Comme un dernier moment au creux de la main, nous l'aurions attrapé pour le libérer sous la forme d'un baiser. Déjà les vitres nous avaient séparés, tu avais détourné le regard et tu étais parti. Maintenant le train file et je songe à t'écrire. Il est encore trop tôt, mais je songe à t'écrire. Je sais que ce que je songe à écrire sera vide et fade et conditionnel mais ce n'est pas un choix : si je ne le fais pas, tout ce qui nous reliait [CLOPES ECHANGEES DOULEUR D'ATTENDRE RIRES ET CHUCHOTEMENTS ET TOUT CE QUI N'A PAS ENCORE LIEU D'ETRE ICI, TAIS-TOI TAIS-TOI] va s'évanouir et c'est moi que le vide va atteindre. Alors j'allume l'ordinateur, j'attends un peu il rame, ce qui m'oblige à reluquer par la fenêtre emotional landscapes et paysages lacunaires et saynètes éphémères et à m'alerter sur la prescience prégnance du vide. Windows open and I fall. Les doigts courent, cliquetis dignes des fonds brumeux et horroresques de l'imaginaire Eths. Je songe à t'écrire sachant que tu ne me liras pas. Je rappelle nos serments cachés, l'infaillible devoir de ne rien montrer, la douce insomnie des espoirs malhabiles maladifs. Le couperet sous la chair ça s'infiltre et ça gratte et ça reste marquant. Vois-tu. Sens-tu. Distingues-tu. Je songe à t'écrire toi qui déjà t'éloignes, toi qui déjà composes le numéro de l'Autre et souffles soucieux d'espoir de crainte et de libération. Je songe à t'écrire comme le dernier souffle que j'ai à divulguer et qui ne fera jamais que se perdre encore. Les instants sont frappants fer rouge monocorde. La corde chancelle et se balance le corps s'ébruite et fond sous la dislocation, le regard s'éteint et l'âme vogue.

Vois-tu nos souffrances. Vois-tu toi aussi ta peau qui se morcelle. Vois-tu les murmures d'autrui qui ne sont que l'autre langage des nôtres. Vois-tu mes yeux déjà brumeux qui songent à effacer les souvenirs. Vois-tu mon regard qui se perd en lignes maladroites. Vois-tu les doigts qui tremblent et les oreilles qui fondent. Vois-tu que je n'entends guère tes mots. Vois-tu qu'au fond du corps l'écharde siffle et répand la chaleur. Vois-tu qu'après ton départ je peine à me persuader que c'est déjà fini.

Fin et commencement s'entremêlent et forment la boucle où restent des lambeaux de nous. Des lambeaux que nous sommes seuls coupables d'avoir arrachés mordus déchiquetés gobés, persuadés de posséder encore un temps infini. Or nos souffles s'entremêlaient sous l'averse fétide de nicotine expulsée. Nos mains se joignaient au travers de l'air empesté. Nos yeux se voilaient aux contours flous des Horizons. Mon perchoir : tu présentais de la main, voix grave sourire léger, toujours affublé d'une Marlboro 100's. Visage élégant, paupières absentes, le regard absorbé vers ce qui restait l'inconnu. Tu ne parlais qu'à peine et les rares mots qui naissaient avaient le goût du [PRODIGIEUSEMENT ININTERESSANT].
[OU VEUX-TU EN VENIR]
Quelles sont les instances paranoïdes et instables qui m'ont poussé à l'individualiser plus qu'à son tour esclave et barbare bien malgré lui, toujours dans un silence sans enrobage ni fond, bonbon amer que pourtant je continuais à suçoter tout en sachant très bien le poison distillé sous l'embellie fumiste et les rythmes entrechoqués. [CE NE SONT ICI QUE FIGURES DE HASARD, MANIERES DE TRACES, FUYANTES LIGNES DE VIE, FAUX REFLETS ET SIGNES DOUT EUX QUE LA LANGUE EN QUETE D'UN FOYER A INSCRITS COMME PAR FRAUDE ET DU DEHORS SANS EN FAIRE LA PREUVE NI EN CREUSER LE FOND, TAILLANT DANS LE CORPS OBSCURCI DE LA MEMOIRE LA PART LA PLUS ELEMENTAIRE - COULEURS, ODEURS, RUMEURS -, TOUT CE QUI RESPIRE A CIEL OUVERT DANS LA VERITE D'UNE FABLE ET REDOUTE LES PROFONDEURS.] Je sais. Rien n'est sacré que ce qui ne dure pas. Amour les gens littérature poésie sonore. Moindres instances d'écrit que tu retiens en toi, tels tes yeux blessés à l'intérieur mais l'ignorance rêgne à jamais maîtresse de toi et moi.

Le frisson à l'entrejambe impalpable à la première vision. Seule la gorge serrée dans un silence général. L'émerveillement sous-jacent promesse Cioran les reliures intérieures. Autour de moi ça jasait. Je me tus. Rien n'avait l'avantage que nous ne nous connaissions pas et je pouvais tout imaginer, même le plus faux paraissait abordable.
Nos regards entremêlés ne furent au départ que celui des aveugles à tatonner dans l'obscurité. Comme si soudain la faille faisait que le peu de lumière existant à l'immuable s'était projeté au creux de nous nous rendant infinis dans un espace qui n'y était pas promis. A peine nos regards croisés déjà chantonnait la promesse de ton visage entre mes mains. Mais avant tout vaincre l'espace. Clarifier la distance jusqu'à la rendre insoupçonnable. Déchiffrer les us, s'approprier les gestes. Faire des yeux l'espace à lire.
Dans l'instant où nos regards se croisent je ne sais rien. Je n'ai pas même la conscience de l'immuable fuite vers le néant, douceâtre évidence. La vie n'existe pas un état second nous chantonnons tournons mais nos rêves sont semblables. Rien n'est vrai que ce qui s'impose. On appelle ça la mort, moi je préfère le nom de Néant. On dit que l'Amour peut contrer le Néant. Où est le soulagement alors quand l'Amour et sa Souffrance n'ont été bâtis que sur ce qui avait déjà toutes les évidences du Néant, ne promettait que le Néant.

Rien de plus infernal que d'apprendre et comprendre que nous ne ferons jamais que tisser du Néant. Que toute notre vie se passera à regretter ce qui n'aura pas été. Voilà pourquoi il est inutile de t'écrire. Alors je ferme le fichier, I fuck windows to not save anything and I cry. Non je ne pleure pas. Je jette mon regard au-delà des fenêtres, je sais que tu sens déjà ses bras, je te déteste et il n'y a rien d'autre à dire. La gorge se noue et le corps relâche la réalité. Vaine tentative d'éradication de la souffrance puisque la souffrance est ce qui maintient hors du Néant, Mishima l'a dit alors c'est sans doute vrai.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire